Que désirons-nous tous ? Que le projet se passe comme prévu évidemment ! Il faudrait que le planning soit respecté au jour près, nous disons-nous en réunion de lancement. Petite inquiétude, nous espérons que les ateliers ne mettront pas au jour des questions épineuses. Et même si la charte n’est pas encore finalisée, nos clients nous garantissent qu’elle sera prête en temps et en heure. De notre côté, il nous reste à vérifier un point technique. Et bien que la date d’échéance soit fixée, il reste au client à valider la disponibilité de ses équipes quand cela a été planifié.

Prévoir est rassurant. Pourtant, dans la gestion d’un projet, il y a toujours des surprises. Que faire alors ? Quoi qu’il en coûte, éviter l’imprévu ?

Retour en arrière de 300 000 années. Mon ancêtre homo-sapiens chasse. D’ailleurs, il chasse depuis un bon moment et il est encore bredouille [1]. Il se retrouve face à un arbre fruitier. Il se rend compte qu’il a faim. Il cueille ce qui ressemble à des pommes, il vérifie qu’il n’y a pas de danger puis il s’assied et mange. Quel sera son prochain repas ? Quand aura-t-il lieu ? Lui-même ne fera-t-il pas office de repas à un de ses nombreux prédateurs ? Il n’en sait rien.

Cela peut sembler inquiétant. Car l’imprévu a mauvaise réputation. Et c’est certainement pire à notre époque. L’imprévu effraie, mais — heureusement, vraiment [2] ? — nous disposons de plus en plus de moyens de contrôle qui nous rassurent : le suivi géographique, les prévisions météo, de circulation, etc. Mais cette sensation de prévisibilité ne rend-elle pas l’imprévu encore plus surprenant et alors plus difficile à accepter ? Pire, le prévu qui se réalise ne semble-t-il pas encore plus surprenant que l’imprévu ?

Pourtant l’imprévu a du bon : combien de découvertes la sérendipité a permis de faire ? Le velcro, le post-it, la pénicilline, j’en passe, et surtout la tarte Tatin ! En voyage, combien de souvenirs heureux, de découvertes liées à une déambulation hasardeuse dans une ville inconnue (déconnectés des plans et autres GPS) ?

Pour prétendre au bonheur, il semble qu’il faille que certains de nos besoins soient satisfaits [3]. Et pour nous sécuriser, nous avons besoin d’assurances. Mais celles-ci ont un coût. Quand il s’agit d’anticiper, plus nous souhaitons voir loin, plus ce coût évolue exponentiellement. Alors que, par définition, faire, créer, c’est fabriquer de l’imprévisible, plutôt que de vouloir anticiper, la sagesse ne nous dicte-t-elle pas de composer avec l’imprévu ?

Loin de moi le désir de ne pas chercher à anticiper. Mais je pense que dans la gestion d’un projet, au-delà des méthodes descendantes, qui laissent peu de place à l’imprévu et des méthodes agiles, pas toujours faciles à mettre en œuvre, on peut s’organiser et accueillir l’inattendu. Il ne s’agit pas d’opposer le prévu à l’imprévu, ce sont les deux faces de la même pièce. Chez J2S, nous avons appris à nous adapter. Nous savons qu’il y a des événements inévitables (non prévus, mais quasi certains) : la disponibilité des équipes… Il y a aussi des imprévus que nous souhaitons : les bonnes idées durant les ateliers. Et il y a les imprévus utiles qui se transforment en opportunités…

Puisque l’imprévu est certain, acceptons-le.

 

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Jean-Yves Jourdain,
Cofondateur de J2S

1- J’ai hérité des mêmes gènes : encore aujourd’hui, quand je vais faire les courses, il m’arrive de revenir avec la moitié de la liste.

2- Voir cet article dans LesEchos, Données, ô données, dites-moi mon avenir ! . (Article de 2017, mais toujours d’actualité.)

3- Voir la pyramide de Maslow.